Je sais dans océan une île où la nature
Peut du moins dérouler une page encor pure,
C'est une île au sol riche, au ciel tiède, où la femme
A des yeux de gazelle et des baisers de flamme ;
Où l'homme au parler franc a l'instinct généreux,
Où la vague en mourant vient chanter sur les grèves,
Où la terre a des fleurs, où la vierge a des rêves
Bleus comme son ciel et ses yeux.
Là comme ailleurs, hélas, pèse la servitude,
Mais nos yeux, sur les monts trouvant la solitude,
Fuiront dans l'avenir un présent douloureux ;
Et les nuages blancs qui montent du rivage
Déplieront sous nos pieds, nous cachant l'esclavage,
Leur voile errant et vaporeux.
Nous verrons la cascade à la bouche écumante
Epandre dans les airs une eau blanche et fumante ;
Sous les hauts bancouliers nous irons nous asseoir ;
Ils verseront en nous la paix de leur feuillage,
Où les sylphes des bois et les oiseaux sauvages
Dorment bercés des vents du soir